Open/Close Menu Dynamique Congolaise de Réflexion et d’Actions Innovantes

 22 avril 2013, UCL

Conférencier :

Mr Jean-Jacques Wondo, analyste politique et spécialiste des questions sociopolitiques et sécuritaires de la RDC

– Général Paul Mukobo, ancien Chef d’Etat-Major Général de la Force Terrestre du Zaïre

– Colonel Patrick Vanhees, de l’Union Européenne (EEAS)

Thème :

« Une armée républicaine en RDC : un casse-tête inextricable ? »

Conférence-débat sur les défis de la réforme ou la réconstruction d’une armée congolaise professionnelle et républicaine animée par trois spécialiste de la question sécuritaire congolaise.

Objectif :

Comprendre les difficultés et défis liés à la réforme de l’armée congolaise

Compte-rendu :

Trois conférenciers spécialistes de la question de l’armée en RDC ensemble pour aborder les difficultés de l’armée congolaise, de sa réforme et de ses défis.

  • La réforme de l’armée congolaise est une nécessité absolue pour doter le pays d’une armée professionnelle et républicaine.
  • La RDC n’a pas d’armée, au mieux on devrait parler d’un conglomérat de groupes armées évoluant de manière disparate et obéissant à des intérêts partisants.
  • Les conflits récurrents en RDC sont intrinsèquement liés à l’absence d’une armée professionnelle et républicaine, entraînée et capable de repousser l’ennemi.
  • La lenteur de la réforme de l’armée s’explique par des facteurs internes (multiplicité d’interlocuteurs congolais, qui ne sont pas nécessairement des spécialistes de l’armée, retard dans l’exécution des programmes, …) et externes (multiplicité des partenaires, multiplicité de programmes, absence de vision d’ensemble de la partie congolaise, …)
  • L’absence d’armée et la lenteur de la réforme de l’armée congolaise est un problème avant tout politique.
  • La RDC est appelée à se doter d’une armée à vocation régionale.
  • L’instabilité en RDC ne peut qu’entraîner l’instabilité dans la région de l’Afrique Centrale.
  • La stabilité de la RDC est indispensable à son développement économique.

Mot  d’introduction  :

Mesdames, Messieurs,

DC-RACIN vous souhaite la bienvenue dans cet auditoire de l’Université Catholique de Louvain pour cette conférence-débat axée sur la sécurité et l’armée congolaise.

En effet, il ne se passe plus un jour sans que la situation sécuritaire tragique de la RDC fasse le tour des médias : reprise des combats à l’Est, envoi de formateurs militaires belges, brigade d’intervention rapide de la SADEC, intervention de la MONUSCO et j’en passe, …

L’évocation du mot « FARDC » n’évoque plus depuis bien longtemps aucun sentiment de fierté, au contraire, pour les uns, c’est la honte mêlée de tristesse qui les envahit et pour d’autres l’humiliation mêlée à la colère.

En guise d’introduction, je souhaite vous présenter trois facettes évocatrices de la situation dramatique de cette armée et du vécue inacceptable de nos populations civiles ou militaires. Des récits d’une gravité sans équivoque qui soulignent l’urgence qu’il y a à apporter des réformes sérieuses, structurelles et durables à notre armée.

  1. Itchal, le militaire en larmes

« Mon nom est Itchal. Je suis originaire de Lubumbashi »

« Je ne m’entendais pas bien avec mon père alors j’ai quitté la maison très jeune et j’ai décidé de rejoindre l’armée, c’était à l’époque de la guerre de l’AFDL dirigé par l’ancien président de la RDC, Mzee Laurent Désiré Kabila qui était en croisade vers la capitale Kinshasa. »

« Je suis de ceux-la qui ont chassé Mobutu avec l’AFDL, sans formation militaire quelconque. »

« Actuellement, j’ai un problème avec mon oreille. Lors d’une bataille … , une balle est passée près de mon oreille et m’a rendu jusqu’à ce jour sourd »

Je suis père de quatre enfants, ma solde de vingt dollars, pas toujours payé, ne permet plus de vivre. Impossible de prendre correctement soin des miens.

Pourquoi des larmes ?

« Je viens de recevoir un appel de mon cousin qui m’a dit que mon père, ma mère et mes deux jeunes frères sont morts. »

Je suis un soldat, je suis censé défendre les gens et je n’étais pas là pour

défendre ma famille. »

« A chaque bataille, je peux soit tomber, mort ou revenir vivant. Maintenant en vie, je suis ici à me demander ce que c’est, ce qui est arrivé à ma famille. Ma mère, mes frères. Mais je dois accepter ce que je ne peux pas changer.

Cette armée est mon amie, elle est également mon ennemie. »

Propos recueillis par M. K, extrait d’un quotidien congolais.

  1. A l’ombre de la justice, les civiles paient le prix fort !

 

Extrait tiré du témoignage du Dr Mukwege, recueilli par Colette Braeckman dans « L’homme qui répare les femmes ! »

« Un jour, on me présenta à l’hôpital une femme qui semblait avoir perdu la raison. Lorsqu’elle se mit à raconter ce qu’elle avait vécu, nous avons eu du mal à réaliser de quoi elle parlait.

Elle tentait de nous dire qu’à la suite d’un raid d’hommes armés dans son village, ses quatre enfants avaient été emmenés. Elle-même avait dû suivre, considérée comme une prisonnière, une esclave sexuelle.

Peu de temps après l’enlèvement, on lui présenta un plat étrange, qu’elle fut forcée d’avaler.

A la fin, ses geôliers lui déclarèrent qu’on lui avait fait manger trois de ses propres enfants ! »

  1. Le ver est dans le fruit

La scène se passe en mars 1997, pendant la guerre de « libération » de L-D Kabila. Mobutu tente de contrer l’évolution fulgurante de Kabila en faisant appel au soutien de Jonas Savimbi, chef de l’UNITA, mouvement rebelle angolais, envoie à ce dernier ses généraux.

Extrait tiré du livre de Mr H. Ngbanda, « les 100 derniers jours du Maréchal Mobutu »

 

« Après un séjour de deux jours à Lomé où je suis allé remettre au Président Eyadema le message du Maréchal Mobutu relatif aux prochaines assises de l’OUA sur la guerre de l’Est du Zaïre, je repris mon avion pour rencontrer le président de l’UNITA, Jonas Savimbi et faire avec lui le point de la rencontre des experts militaires (que Mobutu lui avait envoyé).

Ce fut une explosion de colère : « Mon frère ! Vous n’avez pas d’armée chez vous. Mon frère Mobutu n’a pas d’officiers pour commander son armée. Mes hommes sont tous déçus. Votre ministre de la Défense m’a envoyé une délégation d’officiers prétendus experts. Ils sont venus pour discuter le plan opérationnel militaire, et ils n’ont même pas de carte opérationnelle ! Et je constate ensuite que le général X a plutôt envoyé son fils dans la délégation pour négocier avec moi le marché des diamants ! Lorsque mes hommes ont sorti leur carte opérationnelle, vos officiers ont tous réclamé qu’ils leur donnent cette carte. Mes hommes ont refusé ! Pendant les discussions, personne parmi vos officiers ne connaissait les détails des positions de l’ennemi sur le front, ni même l’effectif de vos forces engagés sur le front !…

Je refuse de travailler avec des aventuriers. »

Avant de laisser la parole à Madame Louise Ngandu, la modératrice de notre conférence-débat, je vous prie de prendre une minute de silence en mémoire de toutes les victimes, civiles ou militaires, de cette tragédie congolaise.

Je vous remercie.

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