« Le discours de Bruxelles »
Docteur DENIS MUKWEGE
Prix Sakharov 2014
Prononcé à l’occasion de la remise du titre de
« Citoyen d’Honneur de la ville de Bruxelles »
le 16 octobre 2014.
LE « DISCOURS DE BRUXELLES »
Ce discours vient d’être qualifié dans un média congolais de « discours de Bruxelles ». Son contenu percutant et sans équivoque ne le contredit nullement.
Le Docteur Denis Mukwege s’exprime clairement et sans aucune ambiguïté sur les violences faites aux femmes du Kivu et sur les risques d’instabilité majeure qu’entraineraient une modification de la constitution en République Démocratique du Congo avant les élections.
Un discours que l’on pourrait résumer en deux vibrants appels :
1. Appel à la solidarité humaine
« Tant qu’il y aura de la barbarie humaine quelque part, il y aura également des hommes et des femmes de bonne volonté qui se lèveront pour la combattre ».
« La survie de l’Homme passe par sa solidarité avec son semblable qui souffre ».
« … enfin, nous dédions ce prix à tous mes compatriotes congolais à qui j’en appelle à plus de solidarité pour vaincre cette barbarie ignoble qui sévit chez nous depuis deux décennies dans un contexte de conflit armé ».
2. Appel à la responsabilité des autorités congolaises
« Aujourd’hui, les congolais ont plus que jamais besoin de justice, de paix, mais ils continuent à vivre dans la peur à l’Est du Congo ».
« Nous profitons de cette tribune pour relayer le message clé de la société civile aux autorités congolaises : Ne touchez pas à notre constitution. Toute tentative de modification de notre contrat social risque d’entrainer de nouveaux cycles de violences. »
« Le peuple congolais aspire au changement tant attendu pour enfin entamer à une réelle alternance démocratique au cœur de l’Afrique. »
« Par solidarité avec mes compatriotes, permettez-moi de faire un appel solennel aux mandataires politiques en République Démocratique du Congo : A l’heure où l’on parle tant d’une éventuelle modification de la constitution congolaise, j’appelle à votre conscience patriotique. J’en appelle à votre amour de notre chère patrie tant meurtrie par des guerres successives depuis plus de 20 ans. Un nouveau changement constitutionnel avant les élections risque de mettre en péril la cohésion sociale et la cohésion nationale. Après plus de 5 millions de morts et plus de 500.000 femmes violées, ne prenez pas le risque historique de rallonger cette liste macabre ! Le monde nous regarde. Le temps est venu pour privilégier l’intérêt national à des intérêts privés bassement matériels.
Le sang de nos martyrs est encore frais ! Il parle, il crie ! Il nous appelle à la responsabilité collective.
Il n’est plus acceptable qu’un petit groupe accumule richesses et biens alors que la majorité de la population patauge dans la misère, la boue et le sang.
Nous sommes devenus la risée du monde. Il est temps de montrer au monde ce que nous avons hérité de nos ancêtres, à savoir une âme de dignité, de solidarité et d’hospitalité.
Mesdames et Messieurs, le statu quo n’est pas une option. Il n’y a pas de fatalité. Des solutions existent. Chacun de nous peut contribuer à l’édification d’un monde meilleur.
Ensemble nous devons établir une ligne rouge contre l’utilisation du viol comme stratégie de guerre au Congo et dans le reste du monde. Ensemble, responsables politiques, responsables religieux, acteurs de la société civile, hommes et femmes, nous pouvons mettre fin à la violence au cœur de l’Afrique ».
« Je vous remercie. »
Transcription par Didier Kamidi Ofit
Team DC RACIN
Source : vidéo de l’interview :
https://www.youtube.com/watch?v=QdY02x_H_d4
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